A l’occasion de la sortie imminente du nouvel Album de Jerry T. and the Black Alligators, nous avons le grand plaisir d’accueillir Jerry T., guitariste et chanteur lead de ce véritable band 100% pur Blues. Il a gentiment accepté de répondre à quelques questions, sur le groupe, ses projets, la musique, ses instruments, la vie quoi.
Where is the meat ?
Ce qui frappe à l’écoute du dernier album de Jerry T. and the Black alligators, « Where is the meat ? » n’est pas tant la variété, la diversité de Blues concentré dans un disque. C’est en effet une recette à laquelle le groupe nous a habitué tout au long de ses 3 précédents albums. Non, ce qui frappe c’est la maitrise avec laquelle tous ces styles sont arrangés, interprétés et enregistrés. L’orchestration est parfaite, la section « cuivre » Sax/harmonica fonctionne à merveille et les solos de Jerry avec sa Queen T., une ES-335 du Custom Shop, sont un bonheur absolu. Tout guitariste qui se respecte, celui qui aime le blues en particulier, pourra apprécier la diversité des sons de guitare au fil de cet album et la facilité avec laquelle Jerry passe de l’un à l’autre. Du blues acoustique, au club de Chicago, de Memphis à la moiteur du bayou, Jerry T. et ses Alligators nous régale de tous les Blues avec un plaisir non dissimulé. C’est peut-être sur cette sensation que je resterai. Sensation qui m’a saisi dès l’album en main : ce plaisir de faire les choses ensembles, de s’amuser et de partager. La bonne humeur et le plaisir qu’ont les musiciens à jouer ensemble est perceptible dès la pochette de l’album. En cette période de confinement où faire les choses ensemble nous est interdite, nous rappeler que c’est important, précieux et agréable, c’est vital!
Nous avons rencontré Jerry lorsqu’il a frappé à la porte de notre boutique (ndlr : par email, notre boutique étant en ligne uniquement ????). Nous lui avons fait un set de Manhattan’s 59, réplique des fameux MHS du Custom shop de Gibson, pour sa flying V, guitare de rechange sur scène. C’est même grâce à Jerry si ces micros sont au catalogue aujourd’hui. Il nous a fait le cadeau d’une magnifique vidéo où il présente les micros, sa Flying V branchée dans un Val Martins Princeton55’s pour un pur son blues. Back to the roots !
L’aventure de Jerry T. and the Black Alligators a commencé en 2014 et a déjà 4 albums à son actif. Mais pour Jerry, la guitare et le blues, comment ça a commencé ?
Jerry T. : Ouh, quelle question ! Le Blues, c’est une histoire d’amour ! Si je dois me remémorer comment ça a commencé… je dois forcément commencer par le moment où j’ai commencé à jouer de la guitare. J’ai commencé tard ! A 20 ans. J’étais alors fan de Rock, Metal. Née en 1987, j’ai vécu les grandes heures du Nu Metal. Ça a ensuite été ma porte d’entrée vers énormément de groupe jugés « vintage ». De Deftones, Korn, à System Of a Down, j’ai ensuite découvert les Iron Maiden, AC/DC, Ozzy Osbourne. D’abord une découverte de morceaux avec une prédominance de la guitare soliste.
Du métal back to the roots
Puis j’ai poursuivi le chemin et, AC/DC, Jack White et Ozzy sont devenus Black Sabbath, Led Zep, et The Who. Puis Led Zep & Co sont devenus Buddy Guy, Howlin’ Wolf, Jimi Hendrix et Muddy Waters. Et là, tout a changé pour moi. Ce voyage à travers la musique et l’instrument, d’inspiration en inspiration m’a ramené jusqu’aux racines de tout ce Rock, Rock n’ Roll, Pop etc. Comme le dit Willie Dixon (un des plus grands auteurs compositeurs du Blues) : « The Blues is the Root, Everything Else is the Fruit », en somme, le Blues est la racine et tout le reste en est le fruit. Tout le reste, ce qui induit que toute la musique écoutée aujourd’hui, a, quelque part, un peu de Blues et de l’inspiration des pionniers du Blues. Bien sur l’aspect social et culturel du Blues m’a touché, les mélanges d’inspirations africaines, puis de tous types dans le sud des États-Unis, puis l’histoire des migrations US du Mississippi à Chicago, puis les évolutions du Blues de la côte ouest à Londres, et enfin de Woodstock à toutes les variations de Rock et de Pop qui existent aujourd’hui. Donc voici, en particulier, la musique de Jimi Hendrix a été un bouleversement dans l’approche de l’instrument qu’est la guitare et de ses possibilités d’expression. Et ma rencontre avec la musique Muddy Waters, Robert Johnson, Buddy Guy et Hownlin’ Wolf m’a fait tomber dans une spirale de Blues et de sentiments musicaux dans laquelle je ne suis jamais ressorti !
J’entends le Blues dans les solos de Randy Rhoads, Slash, et Zakk Wylde, il y a du Blues dans ce que fait Avicii, Daft Punk et C2C, et je ne traverse pas un festival majeur de métal ou de musiques actuelles sans entendre ici ou là un titre de Blues. Voilà, j’arrête là sinon on est partit pour une conférence. Mais sincèrement, écoutez Muddy Waters ! Ecoutez John Lee Hooker, et écoutez Robert Johnson !
Q : On te voit sur scène avec ta Queen T., une magnifique ES-345 du Custom Shop mais je crois que tu as utilisé plusieurs guitares sur l’album : comment as-tu fait ton choix pour avoir ses sons si différents ?
Jerry T. : Le choix d’un instrument et le rapport à une guitare c’est vraiment particulier. Personnellement, toutes mes guitares ont une histoire. Je fais tout pour que son scenario ne corresponde jamais à : « je l’ai commandée sur un site de e-commerce Allemand, je l’ai reçu deux jours plus tard et c’est ma chouchoute depuis ». Non, une guitare c’est une aventure, ça se teste, ça se ressent, et son acquisition peut être une histoire farfelue qui ajoute déjà un background à la guitare sans même l’avoir jouée. J’irai au bout du monde pour aller chercher une guitare qui de l’âme et une histoire bien à elle. J’ai eu la chance de pouvoir voyager, et de tester des guitares qui correspondent à des sonorités « de Bluesman » et de musicien. J’ai fabriqué une Stratocaster en compagnie du Luthier Français Xavier Petit, qui nous a quittés depuis. J’avais sélectionné tout l’électronique, les micros, les bois etc. C’est une super guitare pleine de nuances avec ses simples bobinages pour le Blues et jusqu’à des sons hendrixiens. Cette guitare est enregistrée sur « Won’t Forget About Me » qui joue avec les codes du classique Chicago Shuffle, donc un titre bien indiqué pour une guitare toute désignée.
J’ai une Les Paul que j’ai ramené après une après-midi complète de tests de Gibson Les Paul chez Sam Ash à Nashville, c’est une signature Gary Moore, dont je laisse les Burst Bucker Pro exploser sur des titres plus Blues Rock comme Crossroads et You’re Gonna Change. J’ai une ST1200 qui est plus vieille que moi ! C’est une Ibanez Japonaise, avec des micros ceramic Super 70, double manche, avec un manche 6 Cordes qui sonne Heavy 80’s en moins de deux, et un manche 12 cordes très nuancé qui permet de belles balades au format électrique (No Stairway to Heaven !), celle-ci est enregistrée sur Time To Settle Down. J’ai une Danelectro ramenée de Chicago, que je n’ai pas enregistré sur cet album, une Flying V bluesy (avec de superbes micros Cecca Guitars !) pour le live etc…
Et bien sûr, Queen T., la superbe ES-345 « Modèle Jerry T. » qui est une M2M (Made to Measure) par l’usine de Gibson Memphis avant sa fermeture. Tout simplement le meilleur instrument sur lequel j’ai pu jouer. Avec ses Humbuckers MHS (Memphis Historic Specs) qui sont véritablement exceptionnels sur une Hollow Body. Une souplesse dans le jeu, une sensibilité en tout points, un réglage de tonalité qui entre vraiment en jeu, un bouton volume qui change le monde dans lequel on évolue, et du mordant lorsqu’on l’attaque. Une guitare parfaite pour le musicien que je suis. En sommes, chaque guitare peut correspondre à des « fonctions » types de sons à explorer, et types d’ambiances qui leurs conviennent. Puis, parfois un peu de transgression des codes et pousser les instruments dans des vallées inconnues donne de belles surprises. En tout cas oui, le choix des instruments est important de mon point de vue, et, comme je le disais en intro de cette question, ça participe également à ancrer l’histoire de la guitare en elle-même.
Q : l’album « Where is the meat ? » sort le 4 juin, chez les disquaires et sera disponible en streaming sur toutes les plateformes. Quels sont les projets suite à cette sortie d’album ? Des dates de prévues ?
Jerry T. : On y compte bien ! On ne te cache pas que le live nous manque, le contact avec les gens évidement. Tous les musiciens actuellement partagent ça. Le 4 Juin, nous allons essayer de faire un petit évènement numérique. Puis on souhaite évidemment retrouver le public en concert dès que possible ! Pas de concerts prévus pour le moment, mais on y travail, on essaye de s’extirper du « on fera un contrat si la date est maintenu », et maintenant que le déconfinement s’organise, peut être que nos occasions de live et de promouvoir notre album et notre show vont se dessiner toutes seules ! On y travaille en tout cas, et vivement de pouvoir défendre notre musique sur scène.
Q : « Where is the meat? » est une chanson de l’album et le nom de l’album. Peux-tu nous en dire plus sur ce titre et le choix de le mettre en avant ?
Jerry T. : Ahah Where is the Meat ! Où est la Viande ? Avec le groupe, nous avons choisi ce titre pour l’album parce qu’il représentait bien notre état d’esprit. Les Alligators ont faim ! Il faut les nourrir ! En tant que Bluesman un peu dirty, cet aspect de nourrir les Alligators peut être un peu subversif, du jack, de la viande et de la bonne compagnie, mais également, les Black Alligators ont faim de live ! De concerts, de présence sur scène et de show plein d’énergie ! On a vraiment faim de ça, et l’album est la bonne occasion de le crier haut et fort. Enfin, le titre de la chanson Where is the Meat ? en lui-même n’a rien à voir avec tout ça. C’est plus un questionnement de notre rapport à ce que l’on met dans notre assiette, d’un point de vue écologique et philosophique, avec beaucoup de jeux de mots anglais autour du repas et du fait que notre planète est toujours délaissée dans l’histoire. On n’a aucune prétention de porter de message écologique, surtout pas moi, mais la chanson en elle-même pose juste des questions de ce type, et le fait dans une ambiance Fuzzy presque esprit 60’s.
Q : Je crois que tu as d’autres activités à côté du groupe mais toujours en lien avec la musique, tu veux nous en parler ?
Jerry T. : Oui, tout ce qui touche à la culture du Blues est important à faire vivre à mes yeux. Je m’investis dans plusieurs associations nationales. J’écris également pour le magazine Blues Mag, j’y interview des artistes, et je participe à promouvoir le travail des musiciens Français et internationaux du Blues.
Journalisme, photographie et écriture
Je suis photographe également, j’ai une expo en cours à la Traverse, intitulée « Blues en Tête d’Affiche » qui présente les artistes sur les scènes des salles et festivals Français.
Et enfin, je suis auteur d’un livre intitulé « Histoires de Blues » qui est un recueil des interviews les plus profondes et les plus fournies que j’ai eu l’occasion de réaliser avec plusieurs medias internet et papier. Le Livre est édité chez Camion Blanc et sera disponible courant Juin, peu après la sortie de l’album. J’en suis très fier et je trouve que les artistes qui y figurent méritent vraiment d’être vus et entendus sur scène ou ailleurs ! Une bonne partie des Français, Gaelle Buswel en tête, Jessie Lee & the Alchemists, Ronan Onemanband, Fred Chapelier y figurent. Et également quelques têtes d’affiches internationales, Billy Gibbons, Walter Trout, Eric Gales, Samanta Fish, Popa Chubby autant d’artistes qui méritent largement de pouvoir partager leur vision du Blues et qui méritent votre intérêt si vous êtes curieux de cette musique du Blues et du Rock ! Rendez-vous le 20 Juin avec la sortie du livre pour tous les détails !
Merci Anthony pour tes questions, c’est un plaisir de partager tout ça avec toi.
Sortie de l’album « Where is the meat ? » de Jerry T. and the Black Alligators le 4 juin 2021
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