S’il est un micro de guitare iconique par excellence, peut-être le plus iconique dans l’histoire de la guitare électrique, c’est le PAF de Gibson. Ce micro fut une vraie avancée technologique lors de sa sortie. Il permettait grâce à une judicieuse construction, de supprimer le “Hum”, ce fameux bruit de fond de 60 cycles que génère les simples bobinages. Des dizaines de guitaristes l’ont utilisé, sur des Les Paul, des SG, des ES-335, pour écrire les plus belles pages de l’histoire de la musique amplifiée du 20ème siècle.
On peut compter parmi ses plus illustres utilisateurs, Jimmy Page, Eric Clapton, Peter Green, Mick Taylor, Mick Ronson, Gary Moore, Pete Townshend… Et le liste ne s’arrête pas là. Ce micro n’a pas seulement transmis la vibration des cordes de la guitare, non. Il a créé un nouveau son, il a inspiré et permis à tous ces guitaristes de créer de nouvelles sonorités, d’avoir une approche différente de leur instrument. Mais qu’est-ce que c’est un PAF ?
Le contexte du début des années 50
P.A.F, vous le savez peut-être déjà, est l’abréviation devenu acronyme de « Patent Applied For », qui signifie grosso modo « Brevet déposé », mais pas encore validé. C’est donc une formule générique qui était appliqué à de nombreux produits dont le brevet était déposé, en attente de validation.
En 1955, Gibson avait déjà créé le 1er micro de guitare électrique, le Charlie Christian dans les années 30, puis le P90 après la guerre. Fender avait sorti la Telecaster depuis 4 ans et venait de commercialiser la Stratocaster l’année précédente. Gibson était donc sur les charbons ardents pour reprendre des parts de marché à ce nouveau concurrent.
La Gibson Les Paul était sortie en 1952, l’année d’après la Telecaster, mais le succès n’était pas au rendez-vous. Cela malgré l’apport de différentes améliorations au niveau du cordier/chevalet. Il fallait donc trouver l’innovation qui permettrait à Gibson de s’imposer sur ce nouveau marché de la guitare électrique Solid Body. Un domaine que Gibson avait négligé, malgré l’insistance de Les Paul, l’homme, justement, pour en créer un modèle.
Un ingénieuse construction
Un ingénieur de Gibson, Seth Lover, totalement inconnu du grand public, est alors missionné pour travailler sur un nouveau concept de micro.
Un des inconvénients des micros de guitare électrique à simple bobinage est le bruit de fond qu’il génère. Celui-ci devient très gênant quand on joue à volume élevé et très problématique quand on pousse les amplis dans leur retranchement. C’était le seul moyen à l’époque pour les faire saturer, point de pédale sous le pied.
Seth lover, a donc mis au point ce qui allait devenir, non seulement le fameux P.A.F mais également le modèle du Humbucker que nous utilisons depuis plus de 65 ans !
Comment fonctionne un Humbucker ?
Le fonctionnement du PAF est simple, mais il fallait le trouver : il faut utiliser deux bobines, bobinées dans le même sens. Elles sont reliées entre elle par la même extrémité, la fin de la bobine 1 à la fin de la bobine 2 ou le début de la bobine 1 au début de la bobine 2. Cette connexion entre les deux bobines a pour effet de faire tourner les électrons dans un sens autour de la bobine 1 et dans l’autre sens autour de la bobine 2.
La deuxième caractéristique concerne la polarité donc les parties magnétisées du micro. Un humbucker ne dispose que d’un aimant. Le côté SUD de l’aimant est en contact avec les plots ou vis d’une bobine et le coté NORD est en contact avec les vis ou plots de l’autre bobine. Il y a donc une inversion de polarité entre les deux bobines. Inversion de polarité + inversion de sens de rotation des electron = humbucker. C’est simple mais il fallait être un electronicien chevronné et malin pour le trouver.
Quels sont les ingrédients pour faire un humbucker P.A.F ?
Voici une petite liste des composants nécessaires pour fabriquer un PAF :
Deux bobines en plastique butyrate noir, crème ou blanc vintage. Ce plastique a la particularité de se ramollir et de se déformer à basse température, en dessous de 60°C. Cette particularité interdit toute opération de paraffinage, indispensable sur les simples bobinages, moins sur les humbuckers au niveau de sortie vintage.
Une plaque de fixation, plaque de base (baseplate en anglais) avec des jambes longues en alliage Nickel/argent.
Une barre d’aimant Alnico « Rough Cast » de 2,5″ de long, 1/2″ de large et 1/8″ d’épaisseur, soit 63.5mm x 12.7mm de large x 3.175mm d’épais. Ces dimensions sont très importantes car le volume de l’aimant a un impact important sur le son.
6 vis fendues à tête cylindrique (polepiece screw) de 21,75mm en acier 1010 plaqué Nickel avec un pas de 5/40 (norme USA).
6 plots de 12,35mm + 4.75mm en acier 1010 plaqué Nickel
Une entretoise en acier 1010, percée pour laisser passer les vis, de la bobine des vis justement
Qu’est-ce que le fil de cuivre “Plain Enamel” ?
Le Plain Enamel est ainsi que l’on appelait le revêtement utilisé depuis le début du siècle dans l’industrie et jusqu’à la fin des années 60, qui protège le fil de cuivre et permet de le bobiner. Le Plain Enamel est un revêtement ou isolation (Insulation en anglais) de type oléarésineux (Olearesinous coating*). C’est-à-dire qu’il est fabriqué à base d’huile et de résine, accrochez-vous bien, naturelles !
Un fil de bobinage BIO !
En effet, le Plain Enamel est obtenu avec de l’huile de lin et d’abrasin (Linseed & Tung oil en anglais*) cuits à haute température. Il en résulte un fil de cuivre de couleur rouge très sombre qu’on appelle également Black Enamel. La recette variant suivant les fabricants, on obtenait alors des fils de couleurs légèrement différentes, parfois rouge sombre, parfois tendant vers le noir avec des reflets rouge/violet.
A cause de son aspect irrégulier et de ses propriétés mécaniques limitées, ne résistant pas aux variations de températures, l’industrie l’a finalement abandonné dans les années 60 en le remplaçant par des polymères synthétiques.
Une recette remaniée
Aujourd’hui, seule l’industrie musicale continue d’utiliser le Plain Enamel pour la fabrication de micro de type Vintage. La recette a toutefois été légèrement modifier pour résoudre un problème de taille : le revêtement avait tendance à se craqueler facilement, notamment si l’instrument était soumis à des variations de températures importantes. Un transport régulier dans une soute d’avion, des instruments restés dans le coffre au soleil, n’étaient pas bon pour ces bobinages sensibles. On ajoute aujourd’hui une légère dose de Polyuréthane pour stabiliser de revêtement et éviter ces courts-circuits qui tue littéralement le bobinage.
C’est la seule composante qui a changé au fil du temps. Il existe les fils revêtus de Heavy Formvar, de Polyuréthane, de Poly nylon, de Polyamide. L’impact sur le son de ces différents revêtements est lié à leur épaisseur, non à leur composition.
* source : handbook of polymer coatings for electronics by James J. Licari & Laura A. Hughes
Une cale en érable de l’épaisseur exacte de l’aimant, afin de bien plaquer les 2 bobines sur le même plan à la même hauteur.
4 vis en laiton pour fixer les bobines à la plaque de base.
4 câbles lead de 5cm environ pour relier aux extrémités des bobinages. Ces câbles lead permettent de relier les bobines entre-elles et de faire la connexion avec le câble tressé 2 conducteurs.
35 cm de câble tressé vintage 2 conducteurs pour raccorder les micros à l’électronique de la guitare.
Entre 5000 et 6000 tours par bobine avec du fil de cuivre, dit Plain Enamel (voir encadré), de diamètre 0.063mm (42 AWG aux normes US). Il pouvait y avoir des variations importantes entre les micros, les machines n’étaient pas toutes identiques, en termes de tension (très important la tension !), de régularité du pattern. Elles n’étaient également pas d’une grande fiabilité. On ne comptait pas les tours, on se contentait de remplir la bobine.
Le P.A.F aujourd'hui ?
Toutes les marques de micros, dont évidemment Gibson, proposent leur réédition du P.A.F, tant le son mythique des Les Paul de 1958/59 est considéré comme le Saint Graal. On trouve donc de tout, du bon et du moins bon comme du très cher et du très accessible. Comment s’y retrouver, à qui faire confiance. Pour ma part, j’ai n’ai eu de bonnes expérience qu’avec des micros boutiques, fabriqués par des artisans, la production industrielle ne permettant de faire d’aussi bon micro.
Le P.A.F pouvant être décliné avec différents aimants et différents niveaux de sortie, j’ai moi-même créé mes propres réédition du PAF.
- Le “Delta Roots”, Alnico 3, est une version sous bobiné, avec un niveau de sortie modéré qui permet d’avoir beaucoup d’articulation, de gagner en aigus et d’avoir un son très aéré.
- “The King”, Alnico 2, est taillé pour le Blues, celui de Chicago comme de Memphis
- Le “Manhattan’s 59“, Alnico 2 pour le chevalet et Alnico 3 pour le manche est une réédition du MHS de Gibson. Il est parfait pour le Jazz, le blues et le Classic Rock.
- Le “Arena 70”, Alnico 4, se rapproche du Classic Rock et du Hardo Rock des 70’s et sera aussi très à l’aise en Blues.
- Le “HeartBreaker“, Alnico 5, d’inspiration Jimmy Page avec son côté plus moderne brillera dans le Rock et le Hard Rock des 70’s, jusqu’au Heay Metal des 80’s.
- Le “Custom Bucker”, Alnico 3, au bobinage chargé de médium, donnera du corps et une âme à n’importe quel instrument.
Et s'il ne devait en rester qu'un ?
Mais s’il ne devait en rester qu’un, parmi tous les modèles de P.A.F, lequel choisir ?
La réponse en deux mots : “Burst Origin“TM
Le “Burst Origin“TM, une création Cecca Guitars, est doté d’un bobinage assez important, conférant aux micros un niveau de sortie plutôt élevé dans le registre vintage. Les aigus sont brillants, sans être agressifs. Les médiums de leur côté sont très présents. Le son est charnu, imposant, sans déborder dans les basses et il se fait rauque dès que l’overdrive est enclenché. Lorsque vous passez d’un set de Classic 57 au Burst Origin, vous avez l’impression d’avoir monté le niveau de l’ampli de 6 à 9, tout en ayant un son plein, chargé d’harmonique, équilibré et très dynamique.